Au cœur du quartier des spectacles, le Musée d’art contemporain met à l’honneur l’art actuel à Montréal depuis plus d’un demi-siècle. C’est l’endroit en ville pour découvrir des œuvres innovantes qui font réfléchir. Les nouvelles expositions du MAC n’échappent pas à cette règle. J’ai pu m’en rendre compte lors de ma récente visite.

Je ne sais pas pour vous, mais plus je vieillis, plus l’art contemporain m’interpelle. Peut-être avais-je besoin d’une certaine maturité pour mieux comprendre le rôle des œuvres actuelles dans notre société et d’être touchée par leur message ? Ma dernière incursion au MAC m’a particulièrement allumée, heureuse de m’imprégner d’expériences inattendues auxquelles je repense encore.

Janet Werner : portraits disséqués de femmes

L’exposition de Janet Werner m’a captivée avec ses portraits fictifs et insolites au sein d’espaces ambigus. L’artiste canadienne utilise des photos de mode qu’elle manipule selon la technique du cadavre exquis. Elle découpe et réarrange les parties des figures pour les transformer à nouveau en peintures par plusieurs opérations stylistiques. Cette exposition se veut un survol ciblé de la dernière décennie où l’on découvre des personnages composites évoquant notamment les questions de genre et de représentation, l’image de soi, la vulnérabilité psychologique et le conditionnement idéologique avec bon nombre de clins d’œil à l’histoire de l’art.

Alain Paiement : Bleu de bleu

Sorte de poème urbain, l’exposition Bleu de bleu nous projette cette fois sur la route lors d’un trajet en voiture sur l’autoroute 20, entre l’Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau et le centre-ville de Montréal. Cette œuvre d’art public de 8 km du professeur et artiste canadien Alain Paiement métamorphose ce parcours bétonné en un trajet audacieux et créatif. Emprunté chaque jour par environ 300 000 automobilistes et voyageurs, ce tronçon est aujourd’hui transformé par des lumières DEL utilisant des diodes à fréquence bleue pour évoquer la ligne littorale du fleuve. Un bleu fluvial, céleste et nordique, tel que le décrit l’artiste: “Couleur du rêve et de l’infini. Longueur d’onde énergique. De jour comme de nuit. Bleu Montréal.” Une œuvre que l’on peut admirer au MAC en photos et vidéos, mais surtout en vrai dans sa voiture, assis derrière le pare-brise.

Luis Jacob et Serge Tousignant : Je vois ce que tu regardes

Autre exposition à voir en ce moment au MAC : le fruit du travail des artistes torontois Luis Jacob et montréalais Serge Tousignant qui traduit l’expérience du spectateur. L’album d’images (Album X) de Jacob se conjugue aux sculptures polychromes de Tousignant, créant une mise en abime où le spectateur est amené à reconstituer les photos exposées (sans légendes descriptives) au sein de l’espace.

Francis Alÿs : Children’s Games [Jeux d’Enfants]

À travers une vingtaine de vidéos projetées sur des toiles réparties dans une salle dédiée, la série Children’s Games [Jeux d’Enfants] de l’artiste belge Francis Alÿs, présente des scènes de jeu d’un peu partout dans le monde (Mexique, France, Venezuela, Népal, Afghanistan, Belgique…), de 1999 à aujourd’hui. Un univers ludique à l’honneur qui m’a interpellé par ses séquences montrant des enfants qui ne cherchent qu’à s’amuser avec des objets simples du quotidien qu’ils transforment en outils de jeu. Pièces de monnaie, pierres, roues, sable, chaises, bouteilles de plastique… Leur imagination n’a pas de limites et nous montre comment il est facile de s’émerveiller d’un rien alors que les plus favorisés de ce monde n’arrivent souvent pas à trouver le bonheur dans l’abondance. Un témoignage également positif du vivre-ensemble, d’un partage harmonieux basé sur le retour à l’essentiel et de la force unificatrice du jeu.

William Kentridge : Second-hand Reading [Lecture de seconde main]

Autre vidéo en vedette au MAC, cette fois d’animation, Second-hand Reading [Lecture de seconde main] est un enchaînement de dessins réalisés sur les pages du Shorter Oxford English Dictionary, constamment effacés et retravaillés par l’artiste sud-africain William Kentridge. Une ode poétique et envoûtante que j’ai beaucoup appréciée, bercée par la très belle musique de Neo Muyanga, également d’Afrique du Sud. Une réflexion aussi sur le temps, la philosophie et la politique : thèmes récurrent de l’œuvre de cet artiste contemporain percutant reconnu pour sa profonde ambivalence envers son pays natal.

Gisele Amantea : Faux site

Présentée directement dans la Rotonde du MAC, l’exposition Faux site de l’artiste canadienne Gisele Amantea m’a finalement fascinée par sa manière de revoir l’espace et de désorienter le spectateur. Amantea le réimagine pour exprimer comment nos vies sont façonnées par les dynamiques culturelles, politiques et sociales. Sa série d’impressions à jet d’encre est le fruit de la fusion de photos de la Rotonde du MAC et de dessins inspirés de gravures de Giovanni Battista Piranesi datant du milieu du XVIII^e siècle. La Rotonde est ainsi présentée comme étant envahie par la jungle et proche de sa ruine : un désordre imaginaire voulu par l’artiste pour questionner sa propre relation avec l’institution et ses rapports de pouvoir.

6 expositions étonnantes, faisant la part belle aux artistes locaux, mais aussi internationaux, que je vous invite chaudement à découvrir à votre tour dans ce lieu vivant et stimulant qui fait rayonner l’art contemporain à Montréal !

Expositions présentées jusqu’au 5 janvier 2020

MAC – Musée d’art contemporain de Montréal

185 rue Sainte-Catherine Ouest

Crédit photo : Une Porte Sur Deux Continents / William Kentridge : (Photo 2, Image tirée de la vidéo -Édition de 9, collection de l’artiste)

Merci au Musée d’art contemporain de Montréal de m’avoir permis de découvrir ces expositions. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.